SWQW (FR)
« Sur la sente fragile comme suspendue dans les airs, Entre le nuage et l’abîme, Le voyageur poursuit sa quête Vers les eaux claires du jour. Par la nuit, le matin, Par l’éclair qui dresse le péril, Dans la lumière qui hâte le pas, Il aspire à l’Immensité. » (Nicolas Grenier)
À peine le temps d’éroder de nos écoutes le magnifique Drowning In The Sky que nous avaient offert Pjusk et Sleep Orchestra, que le duo norvégien (Rune Sagevik et Jostein Gjelsvik) nous propose un nouvel et quatrième essai solo : Solstøv. Une productivité qui d’ailleurs ne semble pas se tarir cette année pour Jostein Gjelsvik, puisque cette parution précède de peu celle d’un nouvel album de Circular chez Ultimae, un projet qu’il mène en duo avec Barte Andreassen depuis 1995. Solstøv lui, est sorti le même jour que Captiva de Stephen Vitiello et Taylor Deupree, chez un 12k qui ne cesse de nous combler cette année.
Sensiblement différent de leur collaboration, cet album se rapprocherait plus, dans une certaine mesure, de leurs précédents opus. Dans une certaine mesure en effet, car la trompette de Kåre Nymark Jr, que l’on entendait déjà sur la piste Skdiv de Drowning In The Sky, se trouve ici au cœur de Solstøv, ou — plus exactement — en trace les contours. Une trompette, naturelle ou manipulée de façon électronique par Taylor Deupree, qui semble jaillir du microcosme musical de Pjusk, telles les fleurs de la peinture de Marianne Morild (l’illustration), pour mieux repousser les cavités caverneuses qui logeaient leurs premières expérimentations. Des contours en pleine expansion donc, vers les cieux.
Et pour esquisser une transition avec Drowning In The Sky, la piste d’ouverture Streif voit Sleep Orchestra se joindre aux norvégiens dans un échange entre la trompette et des textures mouvantes. Afin de maintenir quelques minutes de plus ce brouillard qui enveloppait si gracieusement leur collaboration, peut-être, prolongeant ainsi leur symbiose à merveille, avant que des vents glacés ne viennent le disperser. Les glitchs auxquels ils nous avaient habitués sortent de la brume, appuyés par SaffronKeira — autre habitué des collaborations avec un trompettiste —, et se font moins discrets, plus électrisants, contrastant avec la chaleur de l’instrument-roi (Gløtt).
S’il devait être couronné justement, ce serait inévitablement au cours du magistral Diffus, où sa plainte retentit, brusquement, comme s’il voulait percer la couche de gel qui le retenait prisonnier. Un cri qui retentit à l’infini et déchire la voûte céleste dans son élan. Pjusk touche alors au divin. L’écho, côtoyant les étoiles affolées, ne s’éteindra que difficilement.
On peut également citer l’enchaînement parfait Blaff / Sløret / Trolsk, où la trompette s’apparente au tonnerre, plus intimidante, mais sait aussi se faire plus discrète (ou plus traitée) au milieu des échos cristallins, des field recordings et du soundscaping fabuleux que déploie une nouvelle fois Pjusk. Et dans une dernière prière face au ciel, l’instrument réveille la vie qui sommeillait sous la carapace de glace et amorce une dynamique désarmante (le sublime Glød).
Outre le dialogue céleste (Sol : soleil) / terrestre (støv : poussière) qui traverse l’album, ce sont d’autres voix qui habitent Solstøv, celles des artistes qui ont été invités et qui contribuent à sa richesse. Aux musiciens déjà mentionnés (Kåre Nymark Jr, Taylor Deupree, Christopher Pegg, Eugenio Caria) s’ajoutent donc Yui Onodera (pour le titre final), Anders Voldsund (guitariste que l’on retrouve sur les autres albums solo de Pjusk) ainsi que le poète français Nicolas Grenier dont le haïku résonne sur Falmet (le très beau poème cité en introduction).
Un poème écrit spécialement pour le duo norvégien et qui retranscrit pleinement l’impression qui subsiste après immersion dans cet album. Solstøv est un périple vers des hauteurs insoupçonnées, un album vertigineux vers lequel on revient inlassablement pour cotôyer les cieux. Après Drowning In The Sky avec Sleep Orchestra, cette année, vous n’aurez pas meilleurs compagnons ambient que Pjusk.