Goute Mes Disques (FR)
Ce qu’il y a de passionnant chez un homme comme Lawrence English, c’est cette capacité à être partout, tout le temps, sans pour autant perdre son talent face à tant d’activisme forcené. À la différence d’un Venetian Snares, Lawrence English sait faire parler de lui plus de deux fois par an (participant à l’album de Symbiosis Orchestra, sortant Kiri No Oto sur le très estimé label Touch) sans se contraindre à tomber éternellement dans la même rengaine pour suivre un rythme de production aussi élevé. À tel point d’ailleurs que suivre cette référence de l’ambient expérimentale australienne devient vite éreintant, le divin touché comme constante malgré cette omniprésence musicale. A Colour For Autumn poursuit un cycle entamé avec For Varying Degrees of Winter qui s’attache à penser les changements de saisons.
Après l’hiver, l’automne. Et plus précisément les perceptions que l’on se fait de l’arrivée de cette saison aux quatre coins du monde, tant visuellement (modifications végétales…) qu’auditivement (mœurs des oiseaux et des insectes, feuilles craquant sous le pied…). Mais attention de ne pas s’y méprendre, il ne s’agit pas ici de field recording (excepté la manipulation électronique du mistral marseillais) mais plutôt d’une ambient organique chaleureuse, marchant avec langueur aux côtés de résonances métalliques du plus bel effet. Un disque auto-suffisant qui se développe lentement et de manière sûre dans des évocations profondes de la morne saison. L’automne est avant tout une période de transition: les derniers souvenirs de l’été font place à un temps plus propice à l’introspection, annonçant déjà la froideur de l’hiver. C’est bien de cela qu’il est question ici, la chaleur tonale est savamment croisée avec l’aridité frissonnante de sources musicales plus austères. Vous y croiserez donc un piano, une guitare, mais aussi des résidus de matière électronique (incluant la collaboration du grand Christian Fennesz), des larsens légers et des résonances empathiques.
A Colour For Autumn est donc un disque qui se déroule de manière assurée, qui, malgré une teneur classique, se satisfait de ses longues évocations saisonnières. Mais là où le disque pouvait se contenter du minimum, celui-ci va chercher en fin d’album deux perles graciles: “Stilness In Motion” et “… and Clouds For Company”, ou le croisement inattendu entre Brian Eno et Boards Of Canada, qui nous rappelle avec ses claviers vintage désaccordés la poésie déroulée par une poignée d’enfants drogués dessinant une paisible invasion extra-terrestre. Un disque qui résonne comme une demi-surprise tant cette nouvelle production est tout simplement à la hauteur de son géniteur: conceptuelle, appliquée et riche en émotions.