Review of Below Sea Level [12k1071]

Chroniques Electroniques (FR)

Simon Scott est un multi-instrumentiste quadragénaire établi à Cambridge. Sa vision de l’art sonore est le plus souvent maculée par sa sensibilité écologique et par la recherche des fusions électro-acoustiques. Si certains l’ont probablement connu sans le savoir au sein de Slowdive comme batteur entre 1990 et 1994, d’autres s’étonneront d’apprendre qu’il est celui qui dirige le méconnu mais excellent label Kesh. Ceux qui le suivent depuis longtemps se souviendront probablement de sa collaboration avec Dag Rosenqvist, et encore plus de ses deux albums chez Miasmah, label pourtant référence en matière de musiques sombres et dérangeantes. Reconnu à sa juste valeur par des pointures du genre comme The Caretaker, Tim Hecker, Lawrence English ou Library Tapes, Simon Scott a sorti le mois dernier son <i>Below Sea Level</i> sur 12k, propriété d’un certain Taylor Deupree.

Il existe un territoire à l’est de l’Angleterre qui se nomme les Fensland, les Fens pour les intimes. En dehors du fait que ce lieu est le paradis des carpistes et des pêcheurs de silures, sa principale particularité est de se situer en dessous du niveau de la mer. Inutile donc, de chercher de saugrenues explications à la signification du nom de baptême de l’album. Scott y a traîné quand il était môme, et a voulu retourner capturer la magie de l’endroit. Son oeuvre ne peut être qu’envisagée dans son enveloppe physique, accompagnée de son carnet de notes et de photographies, pour en saisir toute la démarche.

Les albums fêtant la beauté de Dame Nature à coup de field recordings plus ou moins bien captés pullulent en ce moment. Tant et tellement qu’on peut même perdre patience et intérêt envers la mare des naturalistes en herbe. De devenir aigri face à tant de productions estampillées Natures et Découvertes. Ou alors, il faut que ce soit bien fait, loin des clichés et des pseudos et faciles contraintes. Scott excelle dans l’exercice, avant tout dans son art de faire déborder les différentes couches de sons pour ensuite brouiller les champs visuels et auditifs, tel un aquarelliste virtuose.

Les accords de sa guitare trouvent toute leur profondeur dans leus aspects les plus dénudés, contrastant ainsi avec une réverb diluvienne et une multitude de traitements sur la matière brute. Car toute l’immense force de <i>Below Sea Level</i> est là. Dans le contraste et l’obsédante variation des textures. Dans la cohabitation des captures de pleine nature et les venteuses poussées numériques, et dans l’habile collision des matières analogiques, électriques et organiques. C’est sûrement lors du deuxième titre que la démarche acousmatique sera autant, et surtout si bien poussée. Même si la plus contemplative et plus dépouillée première pièce peut aussi prétendre à l’excellence.

Mais c’est avant tout dans la manière de rendre terriblement riche une musique qui veut éviter toute surcharge que Scott se montre le plus convaincant. On pourra dire tout ce qu’on veut pour tenter de décrire l’oeuvre, sa sauvage puissance découle sans la moindre contestation des méthodes d’enregistrement extrêmement poussées. Pour évoquer la rupture, la faille temporelle entre les images que Scott a conservé de sa tendre enfance et la vision artistique lumineuse mais brumisée qui est la sienne aujourd’hui. Ses tableaux mouvants ne se connaissent pas de natures mortes, se chargent d’électricité statique et de bruit pas tout à fait blanc pour dérouter les oiseaux des cultures et du tracteur. Car même sans ses saisies de svelte coulis, de boite à musique d’une enfance trop vite passée, d’une moissonneuse et de vents contraires, Simon Scott manie l’épouvantail et le trompe l’oeil avec malice et génie. Son canevas abstrait de musique définitivement concrète déroule tout son enivrant mystère jusqu’à ce que la guitare faussement candide ne reprenne sa liberté de narrer. Des histoires de changements, de périodes évaporées face au progrès et à l’inaltérable roue du temps. La cinquième piste, ajoutera sons et images au vain propos. Même si les oiseaux sont les seuls spectateurs des mutations, de cette vision de re-fragmentation en un bloc des éléments. De cet aspect de corps, d’une extrémité d’aile à l’autre, qui n’existe que dans la pensée de celui qui écoute plus qu’il n’entend, pour ensuite se révéler dans ses aspects les plus palpables. Simplement fascinant.

Simon Scott réalise ici un chef d’oeuvre indispensable de musique exigeante. Une seule écoute au casque pour se faire piquer. Des centaines à venir pour y puiser d’innombrables trésors et détails cachés. Bien au delà d’une convenue recommandation.

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