Review of Not A Leaf Remains As It Was [12k1069]

Chroniques Electroniques (FR)

Les deux Steve, Peters et Roden, sont loin d’être des débutants. Leurs collaborations, ainsi que leurs propres réalisations respectives sont presque inchiffrables. Féru de fields recordings et d’improvisations électro-acoustiques, le quinquagénaire Steve Peters est un membre à part entière du Seattle Phonographers Union. Steve Roden est plus jeune mais un nombre impressionnant de releases est également à mettre à son crédit. Peintre et sculpteur, ses talents de musicien sont le plus souvent au service d’installations plus poussées. Leur rencontre et leur ralliement pour l’occasion au 12k de Taylor Deupree relève de tout sauf du hasard. <i>Not A Leaf Remains As It Was</i> est le fruit de leur enfermement dans un studio de Seattle. Le but était de faire un album, le “comment” et le “avec quoi” ont été décidé sur place, pour notre plus grand plaisir.

Leur collaboration avec la chanteuse Anna Homler datait de 1995. Déjà à l’époque, ils s’étaient dit qu’il serait de bon ton de créer à deux un album avec des parties vocales importantes. Qui devait chanter demeurait la question. Armés d’un bouquin de poèmes japonais (jisei) qui leur parlait, ils avaient maintenant une base de travail. Le japonais étant une langue qui ne s’improvise que très difficilement, ils allaient devoir se contenter de la phonétique. C’est donc bien des phonèmes nippons qui s’égrainent tout au long de <i>Not A Leaf Remains As It Was</i>, et non pas un dialecte elfique imaginaire.

La musique des deux Steve trouve toute sa profondeur dans ses propres silences. On s’accroche à la moindre réverbération du son, au moindre echo comme à un rameau de bois sauvage pour ne pas basculer dans l’opacité. Rarement le drone n’avait su se parer d’autant de rayons et de souffles si réchauffants. La fresque “Winds Through Bleak Timber”, aussi riche que minimaliste finalement, en est le parfait exemple illustré. Le “langage” utilisé, contribue forcément à amplifier l’aspect mystérieux de cette vapeur abstraite. De là à considérer ces volutes de voix comme des mantras, il n’y a qu’un pas que je ne franchirais pas. Même si sur “Fade Away Within,” une dimension monastique est certaine. Les chaînes d’un être en quête de rédemption semblent se traîner.

Il y a tout au long de l’album des apparitions d’objets étranges, du quotidien ou plus ou moins placés intentionnellement sur le sol du studio, qui serviront d’éléments perturbateurs à ces fables sacrées. Frottements de cordes, roulis de conques marines, verres et cristal, carillons. De l’enchevêtrement de saturations parviennent des souffles murmurés rassurants (“Water Veins”) en ce purgatoire plus paisible qu’un mausolée. Seul “Two Or Three Fireflies” viendra apporter des notes de pianos infinies et inquiètes ainsi que des sonorités plus inquisitrices à cet ensemble lumineux.

Touché par une grâce et un halo certain, <i>Not A Leaf Remains As It Was</i> fera le bonheur de ceux qui cherchent la paix de l’esprit et de l’âme. La musique expérimentale quand elle sait se montrer accessible et dépouillée, peut renfermer d’iconoclastes trouvailles qui mènent droit au chemin de la volupté. 35 minutes plus que recommandées pour ceux et celles qui souhaitent se noyer dans la lumière d’un drone enchanteur.

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