Review of Ballads Of The Research Department [12k1068]

Chroniques Electroniques (FR)

The Boats est probablement le groupe le plus accessible qui officie dans les sphères abstraites et expérimentales. Après des sorties sur des labels références comme Flau ou Home Normal, le trio emmené par Andrew Hargreaves, Craig Tatersall et Danny Norbury (le violoncelliste a rejoint le duo en 2009), signait le mois dernier leur premier album sur le légendaire label 12k, propriété d’un certain Taylor Deupree. Outre ses propres compositions, le label de Brooklyn a publié des disques de Giuseppe Ielasi, Lawrence English, Machinefabriek, Autistici ou Franck Bretschneider. Ballads Of The Research Department est annoncée comme une des oeuvres les plus passionnantes de l’année. Parlons en peu, parlons en bien.

Ballads Of The Research Department est telle une chambre à ciel ouvert, qu’il faut pénétrer après avoir enlevé ses souliers. Car autour d’elle, l’herbe fraîche est détrempée. Les quatre ballades qu’elle contient reflètent avec brio les différentes sensations qu’évoque le sentiment amoureux. Pour ce faire, des enluminures classiques, des batteries naturelles, un piano timide et des crins majestueux sont les dignes instruments utilisés. Pour ce genre de musiques si évocatrices, comme pour les saintes écritures, la libre interprétation est laissée à celui qui en est le témoin. L’auditeur est donc ainsi placé aussi un peu en tant qu’acteur du produit fini. Un luxe à l’heure de la lente mais certaine paupérisation de la musique électronique.

Malgré sa dimension abstraite et définitivement expérimentale, la musique dégage ici une volonté de se révéler sans fards, ni artifices. Même lors de The Ballad For Failure, les voiles et les filtres posés sur la voix de l’habitué des lieux Chris Stewart, ne sauraient ôter à cet album une once de son charme sauvage. Car ceci est bien un album de musiciens, nourris au shoegaze feutré et à l’ambient cotonneux.

Sur The Ballads Of Achievement, il faudra attendre l’orée de la septième minute et l’arrivée de ces drums si étranges et à la fois si familières pour laisser naître l’intrigue, toute la nuance de l’ambivalence proposée par la suite. Je ne m’attarderais que très peu sur la beauté champêtre et voilée, visible tout au long de la superbe et riche Ballad For Failure. Pour plutôt témoigner de la magnificence immaculée de The Ballad For The Girl On The Moon, où se mêle joie, peine et appréhension, face à un amour si évident mais si inaccessible. Les charlestons métronomiques, cette foutue batterie et ces orchestrations terrassantes sont aptes à faire chialer le plus sûr de lui des guerriers courtisans. La pluie recommence à tomber, le doute et l’humilité se conjuguent pour laisser enfin place à la paix. La voix de Cuushe (Mayuko Nakagawa, croisée sur des productions Flau) s’égrainera sur un canevas plus synthétique mais tout aussi habité (The Ballad Of Indecision). La chambre de toutes les émotions est prête, dans un élan aussi surprenant que dramatique, à se refermer.

Cette année, il faudra emprunter les Ballads Of The Research Department pour entrevoir les sentiers de la béatification. Le trio et le mastering génial de Taylor Deupree, sont parvenus avec ce maelström concret de cordes, de crins, de touches et de bouts de cassettes poussiéreuses à produire l’album le plus abouti et le plus indispensable de The Boats. Beau à crever. Pour revivre encore et jusqu’à nouveau l’effleurer, et découvrir à chaque fois de nouveau trésors de beauté brute et de subtilité.

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