Review of Orwell Court [12k2035]

Benzine (FR)

Remarqué en 2012 avec son troisième album studio, Quite A Way Away, Gareth Dickson mérite bien plus que le simple statut de folkeux discret et habité comme il le prouve avec le sublime Orwell Court.

Pour l’instant, nous sommes une poignée à connaître le travail de Gareth Dickson, auteur de quatre albums fabuleux mais injustement boudés. Certes, son précédent disque a fait parler de lui enfin comme il le mérite et non pas comme un énième héritier de Nick Drake, tout baigné qu’il serait dans l’éther.

Permettez-moi donc pour ceux qui ne le connaitraient pas encore de vous présenterGareth Dickson, le nouveau compagnon de vos soirs de spleen et autres rêveries. Pour autant, n’allez pas chercher dans les disques de Gareth Dickson les moindres traces  de ce piège que peut amener l’évanescence. Vous savez, cette sorte de douceur presque lisse. Rien de cela chez Gareth Dickson. Lui qui accompagne Vashti Bunyan ou encore Juana Molina sur scène et sur disque joue plutôt avec l’impalpable et ce que d’autres appellent l’incompressible voix de la vie.

S’il est un terme que l’on peut employer au sujet de la musique de Gareth Dickson, c’est bien le terme de vie pour vital ou encore vivant. Accompagné de sa seule guitare, l’anglais parvient à constituer un univers en trompe l’œil à partir de fragments, de particules, de détails minuscules. A l’écoute de Two Halfs, on pensera à July Skies ou à Wendy & Carl qui jouent avec la matière silencieuse.

Autre piège de l’évanescence évité ici, c’est celui du chant comme simple outil d’habillage musical. Gareth Dickson est un conteur de la suggestion et des impressions. On aura du plaisir à entendre Vashti Bunyan en contrepoint sur The Big Lie. On pensera aussi au sublime disque solo de Josh T Pearson dont on attend désespérément une suite.

L’évanescence peut aussi parfois les atours de la froideur, d’une certaine affectation. Il n’en est rien ici, on est plutôt dans un quelque part, une forme d’entre deux, la froideur qui rencontre l’âme à nue. Il suffit d’écouter le pont à la moitié de Snag With The Language pour être saisi d’un frisson qui glisse tout le long du dos et droit au cœur. Gareth Dickson joue avec une espèce de monotonie neurasthénique, comme un enfant qui colle son visage contre la vitre d’une voiture, la pluie qui coule de l’autre côté, les paysages qui défilent, l’errance dans un ailleurs.

 

L’évanescence, c’est aussi parfois un rapport à l’ennui mais cela Gareth Dicksonl’assume pleinement, lui qui a sans doute compris que l’ennui, c’est avant tout l’abandon des grandes attentes, le refus de l’ambition démesurée qui finit par paralyser l’artiste. Ce qui intéresse Gareth Dickson c’est de malaxer les arpèges comme ses émotions à l’image de cette merveille qu’est The Hinge Of The Year. Il est juste parfaitement ridicule de le limiter en suiveur de Nick Drake avec lequel on peut de toute évidence retrouver des parentalités stylistiques mais il y a chez lui une modernité flagrante, ce folk comme nimbé de Drones, au bord de l’abstraction et du vide. Il fait de son folk une entité presque muette et sépulcrale. Ce qui l’intéresse c’est de provoquer un dialogue avec notre épiderme. Prenez le funèbre The Solid Worldcomme le relent d’instrumentaux de Nine Inch Nails. Rien ne se dit et pourtant tout est dit. Il est également la plus belle des introductions pour la reprise grandiose de Joy DivisionAtmosphere. Vous souvenez-vous de Low à bout de souffle, dénudé qui reprenait Transmission en asséchant encore plus le propos ? Quelque part, c’est presque ce que fait ici Gareth Dickson avec ce titre de l’abandon et de la résilience sauf qu’il y adjoint une sécheresse douce ou alors une douceur frelatée, une once de perversion légère.

Le piège de l’évanescence c’est de passer pour anodin, inoffensif. Ce n’est pas le cas de la musique de Gareth Dickson et encore moins d’Orwell Court.  Musique de troubles, de malaises tranquilles et d’intranquillité. Permettez-moi donc de vous présenter un nouvel ami pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, un certain Gareth Dickson qui mérite une belle place à vos côtés.

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