Review of Disappearance [12k1076]

Seek Sick Sound (.COM)

La rentrée musicale s’annonce des plus chargées et a fortiori des plus passionnantes. En voici un premier exemple à travers le dernier album de Ryuichi Sakamoto en collaboration avec cette fois ci –roulement de tambour- Taylor Deupree.

On ne dénombre plus la quantité d’œuvres composées par cet insatiable pianiste japonais. D’un naturel prolifique mais non moins dénué de talent le tokyoïte n’a jamais eu peur de collaborer avec la scène électronique. Ses duos avec Alva Noto, Christopher Willits, ou encore avec Fennesz avaient notamment fait des étincelles dans les années 2000-2010.

Taylor, lui, nulle besoin de le présenter. Fasciné par les sons organiques et les drones nébuleux, il publia nombre de ses compositions sur son propre label dont la réputation n’est plus à faire : 12k. Lui aussi est parfois accompagné par Willits, mais nous n’avions pu que chroniquer son saisissant <i>Wood, Winter, Hollow</i> réalisé avec Seaworthy sorti au printemps dernier.

Pionniers chacun dans leurs champ musical respectif, ils se rencontrèrent en 2006 et multiplièrent les projets ensembles (dont un live performé à deux l’année dernière). Ce sont sur ces fondations solides que se bâti Disappearance, sorti début septembre sur 12k.

On ne saura jamais assez souligner l’importance du silence au sein de la musique. Un comble pour certains, une évidence pour d’autres qui auront compris que pour donner vie à la musique il fallait tout simplement la laisser respirer. Deupree et Sakamoto sont définitivement partisans du deuxième groupe.

Le concept de « less is more » énoncé par l’architecte Mies van der Rohe essentiel pour comprendre l’art contemporain est ici parfaitement mis en valeur par les notes presque éparses du pianiste nippon. Loin d’être une frivole démonstration technique, cette partie mélodique constitue les briques de cette bâtisse. Mais que seraient donc les briques sans leur ciment ? Comment parviendraient-elles à former un ensemble homogène et résistant en n’étant qu’agglomérat chaotique?

Et c’est donc là qu’intervient le charpentier sonore qu’est l’anglais. Il ira puiser jusque dans le raclement des chaises sur le sol de leur studio (sur Frozen Mountain), les cliquetis de rouages mécaniques, le tiraillement de cordes au timbre métallique (sur Ghost Road) etc. afin de combler et consolider les orifices, les silences offerts par Sakamoto.

De ce disque émane un sentiment de froid incertain, comme si les sons somatiques luttaient contre ce piano mélancolique pour maintenir leur existence commune car l’un ne peut subsister sans l’autre. L’argentin Jyako est ainsi neutralisé par le pourpre Curl To Me. Quelle ambiance surréaliste d’ailleurs sur ce dernier morceau ! En effet, pour l’occasion la chanteuse Ichiko Aoba, en plus de sa voix, prête même les battements de son coeur redonnant à l’entité le sang vigoureux qu’il lui manquait. Les échos des sons très intimistes produits par la chanteuse se fondent quant à eux paisiblement dans la masse sonore de cet organisme désormais tout à fait vivant et épanoui.

<i>Disappearance</i> est semblable à un prisme réfractant les diverses longueurs d’ondes correspondants aux multiples couleurs. Un arc en ciel parfois brillant et dur comme un diamant, parfois translucide et fragile comme du cristal. Une illusion d’optique qui accapare votre regard et vous ferait oublier que le monde autour de vous vient de disparaître.

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